Agents chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques CMR

Les produits chimiques présentant des caractéristiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (reprotoxiques) sont souvent désignés par l'acronyme CMR.

Il est à noter que les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, ou CMR, appartiennent à la première classe de toxicité, la plus toxique, selon l'échelle de classement des substances chimiques dans le monde.

C'est pour cette raison qu'ils sont définis dans le Système Général Harmonisé (SGH) et réglementés dans divers pays, notamment au Canada dans le SIMDUT (qui fait partie du règlement sur les produits dangereux, RPD), aux États-Unis dans le Hazard Communication Standard (HCS) et dans l'Union européenne dans le règlement sur la classification, l'étiquetage et l'emballage (CLP). Les CMR ont donc une importance particulière en matière de santé et de sécurité au travail, car leurs effets ne se manifestent souvent qu'à long terme. 

Pour cette raison, même si les conséquences de l'exposition à ces produits sont importantes, les travailleurs ont tendance à les minimiser. Il est donc crucial de repérer ces produits, afin de mettre en place les mesures adéquates pour prévenir ces conséquences à long terme.

Examinons de plus près les différents dangers regroupés sous cet acronyme.

Cancérogènes

Les produits cancérogènes sont des produits dont l'exposition augmente l'incidence du cancer. Cette association peut être causale, c'est-à-dire qu'il existe une preuve démontrant que la substance en question provoque effectivement le cancer, ou elle peut être simplement statistique. En effet, il se peut que deux événements soient simultanés sans pour autant qu'il y ait un rapport de cause à effet. Dans ce dernier cas, les données ne permettent pas de conclure avec certitude que le produit a causé le développement du cancer, mais elles montrent qu'il y a une fréquence plus élevée de cancer chez les personnes ayant été exposées.

Le cancer est une maladie bien connue de la population. Il est caractérisé par la prolifération incontrôlée de certaines cellules dans l'organisme. Ce comportement anormal des cellules est généralement dû à une altération du matériel génétique à l'intérieur de celles-ci. Ces altérations peuvent être causées par divers facteurs, notamment l'exposition à des substances cancérogènes.

Les cancers sont l'une des principales causes de décès dans le monde. Ils nécessitent souvent des traitements coûteux, complexes, longs et pénibles. Pour toutes ces raisons, il est crucial de se protéger contre les agents cancérogènes.

Les cancérogènes se classent ainsi ;

Cancérogénicité - catégorie 1A

Substance pour laquelle les données sur les humains établissent un lien direct entre l'exposition à la substance et le développement d'un cancer

Cancérogénicité - catégorie 1B

Les données humaines établissent un lien direct entre l'exposition à la substance et le développement d'un cancer, mais il existe des données supplémentaires qui n'appuient pas, selon les principes scientifiques reconnus, cette conclusion.

Une substance est donc classée Cancérogénicité - catégorie 1 lorsque l'agent cancérogène est prouvé être cancérogène selon certaines études.

Cancérogénicité - catégorie 2

Certaines données humaines ou animales appuient une association positive entre l'exposition à la substance et le développement d'un cancer, mais ne permettent pas de conclure à un lien direct, selon les principes scientifiques reconnus.

Une substance est donc classée Cancérogénicité - catégorie 2 lorsque l'agent cancérogène est suspecté être cancérogène.

Mutagènes

Les produits chimiques mutagènes au sens du règlement sur les produits dangereux (RPD) canadiens ou du Système Général Harmonisé (SGH) sont ceux qui induisent une mutagénicité sur les cellules germinales.

Actuellement, la mutagénicité des cellules somatiques n'est pas couverte, ni dans le RPD, HCS 2024 ni dans le SGH. Le seul moment où la mutagénicité sur les cellules somatiques mène à une classification est lorsqu'elle permet de suspecter une mutagénicité des cellules germinales. Cependant, l'examen des dangers que présente la mutagénicité des cellules somatiques est prévu par un sous-comité d'experts du SGH pour la période 2025-2026. Il se pourrait donc qu'une modification soit apportée à la classe de danger « Mutagénicité sur les cellules germinales » dans le futur pour y inclure la mutagénicité des cellules somatiques, ou qu'une nouvelle classe soit créée à cet effet.

Les cellules germinales quant à elles sont les cellules du corps humain qui contiennent le matériel génétique qui servira à la production de gamètes. À l'inverse, les cellules somatiques forment l'ensemble des cellules du corps ne produisant pas de gamètes. Autrement dit, les cellules germinales sont les cellules qui produisent les spermatozoïdes et les ovules. Ce matériel génétique sera transmis aux générations futures. Une altération du matériel génétique des cellules germinales peut donc être transmise d'une génération à la génération suivante, qui la transmettra à celle d'après, et ainsi de suite.

Nécessairement, on doit y apporter un intérêt tout particulier puisque ces cellules germinales sont impliquées dans la reproduction. Si ces cellules germinales sont affectées, il peut y avoir entre autres des aberrations chromosomiques structurelles qui ont le potentiel de causer des dommages à long terme chez les prochaines générations.

Les mutations qui affectent les cellules peuvent parfois être bénignes, c'est-à-dire sans conséquence, ou entraîner différents problèmes, comme des malformations, des maladies génétiques, etc.

Les dangers pour la santé publique sur le long terme associés à l'exposition à ces substances mutagènes sont considérables. Une altération du matériel génétique des cellules germinales peut entraîner de graves conséquences. Par conséquent, les produits qui sont des mutagènes connus des cellules germinales ou qui pourraient potentiellement l'être sont réglementés.

Les mutagènes se classent ainsi ;

Mutagénicité sur les cellules germinales - catégorie 1A

Substance pour laquelle les études épidémiologiques humaines établissent un lien direct entre l'exposition à la substance et des mutations héréditaires dans les cellules germinales.

Mutagénicité sur les cellules germinales - catégorie 1B

La substance qui entraîne des résultats positifs lors d'essais de mutagénicité sur des cellules germinales animales (in vivo chez les mammifères) ou qui provoque des effets mutagènes sur les cellules germinales humaines, même si la transmission de ces mutations à la descendance n'est pas clairement établie.

Une substance est donc classée Mutagénicité sur les cellules germinales - catégorie 1 lorsque l'agent mutagène est prouvé être mutagène.

Mutagénicité sur les cellules germinales - catégorie 2

La substance pour laquelle des données issues d'essais de mutagénicité sur les cellules somatiques in vivo sur des mammifères donnent des résultats positifs et une relation structure-activité avec des mutagènes de catégorie 1A peut être établie.

Une substance est donc classée Mutagénicité sur les cellules germinales - catégorie 2 lorsque l'agent mutagène est suspecté être mutagène.

Reprotoxiques

Les substances reprotoxiques, également appelées substances toxiques pour la reproduction, sont celles qui affectent la fertilité, le fœtus ou qui ont un effet sur ou via l'allaitement.

En ce qui concerne les substances qui affectent la fertilité, elles peuvent entraîner la stérilité, une baisse de la fertilité, une modification du comportement sexuel, un accouchement prématuré, un changement du cycle reproducteur, une altération du déclenchement de la puberté ou tout autre effet susceptible d'affecter la capacité d'un individu à se reproduire.

Les substances qui affectent l'enfant à naître sont celles qui peuvent nuire à sa santé durant la grossesse. Si l'exposition d'un des parents à une substance entraîne un effet négatif sur l'enfant, cette substance sera classée dans cette catégorie. Les effets néfastes peuvent être, par exemple, un retard de croissance, une diminution de la viabilité, une maladie congénitale, ou encore tout problème susceptible d'affecter la santé de l'enfant, que ce soit avant ou après sa naissance.

Les substances ayant un effet sur ou via l'allaitement sont également incluses dans cette catégorie. Ces substances peuvent entraîner une interférence avec la lactation, ou se retrouver en quantité suffisante dans le lait maternel pour affecter la santé du bébé allaité. Il faut aussi considérer les métabolites de ces substances, au besoin.

Les reprotoxiques se classent ainsi

Toxicité pour la reproduction - catégorie 1A

La substance pour laquelle les données sur les humains établissent un lien direct entre l'exposition à la substance et des effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité, ou des effets néfastes sur le développement de l'embryon, du fœtus ou de la progéniture.

Toxicité pour la reproduction - catégorie 1B

La substance pour laquelle les données animales établissent un lien direct entre l'exposition à la substance et des effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou des effets néfastes sur le développement de l'embryon, du fœtus ou de la progéniture.

Une substance est donc classée Toxicité pour la reproduction - catégorie 1 lorsque l'agent reprotoxique est prouvé être reprotoxique selon certaines études.

Toxicité pour la reproduction - catégorie 2

Des données humaines ou animales appuient une association positive entre l'exposition à la substance et des effets néfastes sur la fonction sexuelle, la fertilité, le développement de l'embryon, du fœtus ou de la progéniture. Cependant, ces résultats ne permettent pas de conclure à un lien direct, selon les principes scientifiques reconnus.

Une substance est donc classée Toxicité pour la reproduction - catégorie 2 lorsque l'agent reprotoxique est suspecté être reprotoxique.

Toxicité pour la reproduction, effets sur l'allaitement 

La substance pour laquelle on possède des données humaines ou animales montrant qu'elle a des effets sur ou via l'allaitement.

Se protéger des CMR

Nous avons vu que les CMR peuvent entraîner des conséquences graves pour la santé à long terme. Il est donc important de s'en protéger. Pour ce faire, diverses mesures peuvent être appliquées.

Minimisation des contacts avec les CMR

Les contacts avec les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction devraient être limités au strict minimum. Les seuls employés qui devraient pouvoir y accéder sont ceux dont les fonctions nécessitent qu'ils les manipulent. Des procédures de travail rigoureuses doivent également être établies afin de protéger les travailleurs potentiellement exposés.

Les équipements de protection individuelle doivent être disponibles et en bon état de fonctionnement, et leur utilisation doit être obligatoire. De plus, il est crucial de mettre en place des protocoles d'hygiène industrielle efficaces pour empêcher tout risque de contamination involontaire des zones environnantes.

Lorsque l'on travaille avec les CMR, il faut prohiber la recirculation de l'air pour réduire au minimum le risque d'exposition, même si les valeurs dans l'air sont sous les limites de contrôle.

Formation et information

Les personnes qui manipulent ces produits doivent recevoir une formation adéquate. Cette formation doit leur permettre de reconnaître ces produits, de comprendre leurs dangers et les moyens de s'en protéger. Elle doit également inclure des informations sur les règles d'hygiène et les procédures spécifiques au poste de travail. Il est important de mettre régulièrement à jour cette formation pour tenir compte des éventuelles modifications, l'introduction de nouveaux produits dangereux, etc.

Conclusion

Bien que les CMR soient associés à un risque élevé, il est possible de les manipuler en toute sécurité en suivant une formation adéquate. Celle-ci permet de comprendre les dangers de ces produits et les mesures de protection à adopter.

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